La “non-perfection”
Combien de fois avons-nous jeté un objet cassé ? Moi, très souvent. Parfois, cela coûte plus cher de le réparer que d’en acheter un autre. Mais quand on se casse un bras, est-ce qu’on le jette ? Non, pas du tout. Ce serait de la folie. On le répare tout de suite parce que il est nécessaire…. Vous allez peut-être penser que je dis n’importe quoi, mais…. ne vivons-nous pas dans une société où jeter est la chose la plus normale à faire ? Nous rejetons la “non-perfection”.
L’une des nombreuses choses qui m’attirent au Japon est la philosophie du Kintsugi, un mot qui signifie “coller avec de l’or”. Il s’agit en fait d’une tradition ancienne qui consiste à réparer des objets cassés à l’aide d’un mélange de vernis à base de résine et de poussière d’or. Le Kintsugi repose sur l’idée que ce qui est cassé, imparfait, fissuré peut être réparé. Pas de n’importe quelle manière, mais en le transformant en une pièce encore plus belle que la précédente. L’imperfection devient une œuvre d’art.
En fait, les plus anciennes céramiques réparées par Kintsugi s’avèrent être les plus chères, parce qu’elles sont les plus précieuses. Derrière chaque pièce se cache une histoire qui la rend unique et spéciale. Kintsugi est né lorsque le shogun japonais Ashikaga Yoshimasa (XVe siècle) a cassé sa tasse de thé préférée et l’a fait réparer. Résultat ? Les artisans japonais ont transformé l’imperfection en beauté.
C’est ce que nous apprend le Kintsugi. Les fissures, les cicatrices de notre vie peuvent être transformées en quelque chose de différent, de fort, voire de beau. Même si c’est difficile, si nous les assumons avec maturité, elles font de nous ce que nous sommes : des personnes uniques, spéciales et “belles”. Nos fissures, en quelque sorte, peuvent devenir des fenêtres. Comme le dit le poète soufi Rumi, “la fissure est l’endroit par lequel la lumière entre”. Et cette lumière ne vient pas seulement à moi, mais à beaucoup d’autres.
Osons-nous faire de notre vie quotidienne un “Kintsugi” ?
Rosario Garrido